Changement radical d’ambiance pour la deuxième journée du Printemps du cinéma. Et pour cause, je me suis enfin décidée à aller voir le film de Roman Polanski. Je ne sais pas pour vous, mais généralement quand tout le monde s’extasie sur un film, j’ai un peu tendance à être déçue en le voyant. En plus, ayant vu l’engouement déclenché par sa projection à la Berlinale, je préférais attendre un peu, et laisser le soufflé retomber. Mais finalement pas de déception à l’horizon, bien au contraire. Ce film est tout simplement excellent.
C’est assez difficile d’en parler sans dévoiler l’intrigue, mais disons que The Ghost Writer est un polar, qui rappelle les films noirs des années 50, en y ajoutant cependant une touche très subtile de modernité. Bien sûr, tout le monde veut voir dans ce film la mise en abîme des déboires judiciaires de Roman Polanski, et les analystes politiques veulent y voir une critique à peine masquée de l’ancien Premier Ministre Tony Blair. Alors bien sûr, tout cela est vrai. Pierce Brosnan qui campe un ancien premier ministre accusé de suivre les directives de Washington et qui fait l’objet d’une enquête de la Cour Pénale Internationale fait penser à Tony Blair au moment du déclenchement de la Guerre en Irak. Et bien sûr, que ce même Pierce Brosnan qui campe un politicien dans l’impossibilité de retourner dans son pays sous peine d’être arrêté, fait étrangement échos aux différentes « affaires Polanski ». Mais la force de ce film, c’est que tout cela n’est que secondaire. A la base de tout, on a une histoire très hitchcockienne qui ferait trembler n’importe quel spectateur.
La musique d’Alexandre Desplat est un des éléments clés du film et plonge le public dans une atmosphère angoissante, que renforce d’ailleurs le huit-clos forcé sur une île non loin de New-York. L’histoire est assez simple. Adam Lang, ancien premier ministre britannique, veut écrire ses mémoires. Son nègre ou « ghost writer » meurt subitement et doit être remplacé au plus vite. Entre alors en scène un écrivain sans histoire, qui va reprendre la place de cet écrivain fantôme. Contraint de s’isoler avec le reste de l’équipe sur une île où Lang possède une propriété, le jeune écrivain, novice en politique, va découvrir bien malgré lui des secrets qui vont le plonger dans une histoire dont personne ne ressortira indemne.
Pour jouer ce fantôme, Roman Polanski a choisi Ewan McGregor, acteur écossais qui imite à la perfection l’accent londonien. Jusque là, tout le monde savait que Ewan McGregor était un bon acteur. Trainspotting, Petit meurtre entre amis, Une vie moins ordinaire, Moulin Rouge, ou encore Le Rêve de Cassandre sont autant de films dans lesquels McGregor a montré l’étendue de son talent. Mais avec ce rôle d’écrivain fantôme, l’écossais atteint sans doute le sommet de son art et révèle enfin sa capacité à porter un film à lui seul. Car, si bien sûr Pierce Brosnan, Kim Catrall et Olivia Williams sont tous excellents, c’est bien le personnage de Ewan McGregor qui porte l’action. C’est lui que le spectateur suit, c’est pour lui que l’on a peur. Et entre fragilité et courage, entre doute et obstination, Ewan McGregor laisse passer sur son visage tous les sentiments ambivalents qu’éveille en lui cette mystérieuse situation dans laquelle il est embarqué bien malgré lui. En résumé, ce film mérite tous les éloges et surtout, Roman Polanski mérite largement son Ours d’Argent du Meilleur réalisateur.
Jules